1.8.14

Psyché ....






Je fus invitée dans un monde de pluie, un rivage sous de sombres auspices. J'étais harassée, mais je tenais à tenir les yeux ouverts. Une terre qui m'était inconnue et présageait une pesanteur à m'engourdir dans un cataclysme qui ne m'était destiné. 

Le temps était splendide et promettait une belle conjoncture. Un jeu du destin qu'on aimait manipuler. J'ai beaucoup lisotté sans but soutenu, et triché avec le hasard pour maintenir un délicat lit de torrent. Je m'enfonçais dans des chemins creux, une fange stagnante. J'étais complaisamment vautrée jusqu'à la lie. Les averses avisaient tout à coup un changement,  sans nul dessein. 

J'étais abîmée dans des réflexions irascibles,  d'un tempérament bilieux, à une sardonique verve. Un frisson de fièvre me parcourut l'échine. Je tremblais comme une feuille à côté d'un bougeoir de nuit. La terre semblait grasse, verte, mais étrangement étriquée. En revanche, mon bâillement était vaste, un monde surchargé de couleurs, un éventail semé de paillettes, jonché d'un feu rougeâtre. Une statue geint le tison, prêche la vertu, la sagesse... un âtre permanent. 

Je souhaitais que la raison m'eût échappée, et j'éloignais promptement  mes fadaises laïus. Mon alcôve s'agitait sous moi comme des vagues tangueuses, et ballottait violemment le calme sous mes pieds. J'étais transie de froid à cette clarté glauque qui baignait l'atmosphère. 

Un cours d'eau écumant, irrégulier, d'un blanc fougueux, serpentait la fureur, arpentait avec fracas les cicatrices desséchées. Les naufragés remontaient par miracle, et vomissaient l'eau salée et se vidaient du déluge.   

Des figures enfumées tapissaient des visages masqués. Tout se distinguait sous une lueur blafarde qui illumina clairement la réalité. Un bruissement de dentelle d'une bise d'hiver bardait mes draps poudrés. Une sueur froide s'entrechoquait  à une terreur insurmontable qui m'inonda tout le corps. Un vibrement retentit le glas, et hérissait mon cœur apostasié.

Je n'ose plus pendre mon esprit... un dernier regard vers le foyer de cendres. La cheminée fourgonnait une impression asthmatique, poussive.

Je prends haleine, et aisément je déploie mes ailes de papillon. Je restais pour voir ma renaissance extraordinaire .  Je vannais à grand effort les souffles ensevelis d'une paréidolie. 

Je ne détourne pas l'image de mon regard, je suivais son pas imperceptible. Le timbre d'une voix s'estompait au loin, me fixait des yeux. Je ne pouvais l'intercepter et finissait par n'être qu'un écho étranger .  

Puis vint ma rédemption. Des rayons d'étincelles flambaient dans le ciel. Un feu de prismes en arc-en-ciel qui se voilait de lune et me fit la révérence en silence. Je me suis perdue dans un monde d'étoiles. Une harmonie d'un concerto, jouant des menuets. Une danse en pirouette se dissipait prodigieusement dans le vent. Inconcevable, ma virtuose étoile jaillissait les trilles d'un oiseau. Elle raflait la cadence, et devançait une vaste esplanade en demi-lune. L'étoile du berger brillait de mille feux sous un azur noirci de rêves éblouissants. Les prunelles transparentes où se dessinaient à travers la candeur d'une âme, aussi distinctement que l'eau qui exhalait d'un ruisseau.  

Jamais, je ne sentis d'aussi parfait prodige, si bien que je n'ai pu bouger. J'étais sidérée à l'idée de perdre une pareille émotion. Je m'étais agenouillée et de ses mains d'ivoire, me couvrit tout entière. J'éprouvais le comble du bonheur, une veloutée suave m'effleurait le cœur, et flottait dans les artères de mon âme en cascade de lave. Une tendresse ineffable bruissait le bourdonnement des abeilles. Une capricieuse constellation s'éparpillait sous une fantastique cape, fomentant l'amour. Les ogives de paroles s'ordonnent d'improbables flammes, pour raviver un éclair éphémère providentiel.

Le revers d'une gloire de mots ambigus, un jet de pièges sous le soleil de midi. Le gouffre d'une mémoire nue, déchirée aux ronces des sentiers. A la déroute d'un redan, un tambour de gestes hagards, un vertige de paroles pressurées. L'orage nickelé s'étoile d'une persistance indécise sous des lettres de feu. Un vacarme de passerelles vers une solitude mer. La bouche absout le coutelas des flèches acérées, seul le visage abasourdi se devine. Les étoiles séquestrées forment une arche close, une incantation de passion et d'écume, un sublime angélus. 

Au balcon de ma citadelle, je feins la captive rebelle. Une année s'éloigne autant que le moi d'autrefois. Une nouvelle échéance glisse sous ma peau en duel, comme un fidèle désert bleu à la limite du destin. Une page écrite coule le grain de sable de ma certitude. Une délicate alchimie plante les syllabes sur les récifs d'une destinée revêche. Le tumulte massif mire un émonctoire de vide intérieur. Une frontière enténébrée déchaîne le bouclier d'Orion, vers le large flot contre l'empennage d'une carène. Des rivés couronnent une ode emphatique, un éloge d'une belle lyre pindarique. La lucarne du cœur ahane à la limite oxygénée. Les dieux immobiles s'érigent en équilibre altier, à l'avènement du sacre. Dans cet éternel éclat crépusculaire d'un jardin buissonné d'une venelle déserte. Quelquefois, un météore poudrait son passage  de pétales fanés. Des ports enrubannés qui infusaient des chansons brisées sous le calice de parfums.


J'ai gravi un à un des échelons, j'ai parcouru l'eau des marées, et des rivières. J'ai nagé dans des abîmes insoupçonnables, mais je n'ai pas perdu mes souvenirs à la clarté des choses sans poids. Ils sont inscrits dans le secret des lignes, dans l'espace d'un temps, sur l'épée d'un soleil en noce. La nuit a engravé son dernier mot.

Je souffle une énième fois à ma renaissance....