14.6.16

L'attente....



Je manque à moi-même sans jamais me douter que ce manque m'avait atteint jusqu'à l'échine. Cette envie m'avait été happée brusquement par mégarde. Tout ce temps épuisé, ravageur comme un amant indifférent et cruel. Ce temps, jadis, était vivant, nourricier, d'une douceur vivace sur mon corps comme une peau de bébé. Il m'embarquait la nuit dans un monde peuplé de merveilles. La géométrie, les formes, les planètes, les astres, les étoiles, le ciel et la terre vibraient de faim, et moi, j'étais assoiffée de passion. Mystiquement amoureuse. Je volais de plaisirs en plaisirs, je violais les obstacles invisibles. J'ai élu mon ultime sanctuaire dans les bras de la nature, mère primitive, capricieuse et imprévisible. Une redoutable enchanteresse de l'amour et du désespoir. Ma récompense lovée dans les draps de la nostalgie, comme un secret noyé. J'étais convertie. Une religion d'une beauté exigeante que le beau de la vie ne suffisait que peu. Et Habiter cette oeuvre d'art requiert un sacrifice du corps et de l'âme que peu arrivent à satisfaire, tel est ce culte éternel de la divinité. 

Ce beau temps névrotique, victime ou meurtrier, oiseau de proie ou traqueur orgueilleux. Un mystère qui porte ses propres blessures béantes comme une image éventrée, aveugle de vérité. Mon regard s'allumât dans un dialogue de mort en mes larmes amères. Le jardin sacré avorta. Je pleure d'un dernier sanglot mes mots épars, un haillon en lambeau. Les écritures sont restées aveugles, sourdes, muettes au cri de l'absence, et par le froid du silence. Un miroir où s'affronte une guerre féroce de l'amour, du doux et du damné assassin. 

Cela vient de plus loin que moi, n'avoir jamais pu être entière à moi-même. Un fleuve de débris qui m'extirpait le rêve fécond. A des lignes épurées du romanesque ou du romantique. Une autre réalité plus vaste, que la flamme de la vie. Elle se couronne en renaissance, métamorphosée en nouveau-né. Mieux encore, honore la terre, abreuve l'espèce vivante et irrigue les vergers en fleurs.

Enracinée dans un lointain, dans mon corps coule la naissance. Dans ma chair flambe un mélange de torrents fluides et un orage qui gronde. Ma vie glisse dans ce tourbillon en mon âge d'enfance. Sous le soleil qui s'évapore, un vent divin de pluies baignent en mon ventre velouté.  Se perdre en rêveries comme la caresse d'un virtuose. Ma peau, une amante ; mes mots au rythme sensible et lent ; ma poésie intuitionnée en mon verbe, à tous mes sens ouverts. Cacher son corps, et me mange dans un dessin de voix où les langues sans frontières se lèchent, se barbouillent, s'approprient dans un langage universel. Un déluge de photographies, un bariolage de couleurs en désordre, libérées comme de leur quiddité. 

Presque, à chaque fois vif, en mémoire s'ouvre la porte d'ombre pour susciter une masse de souvenirs en couleurs. Ainsi, un passage s'ouvre sur une fosse d'images, des rêves emprisonnées, un voile de voix empaqueté, des mots en cage, des lettres bâillonnées, sans enveloppe, sans adresse, sans destinataire, enfermées derrière leurs barreaux. Effeuillé d'un temps imprenable, emmêlé dans un souffle, imprégné d'une écriture en deuil, égaré dans une béance illusoire.

Doucement, un cœur qui explose contre la vie, contre son adversaire. Au travers de l'aube, la nuit persécute les cœurs fragilisées comme un ennemi mortel des enfants, de l'enfance dérobée, de l'enfant qui ne parle pas, ne pleure pas, mais n'abandonne pas. Longtemps, se fourvoyer dans le silence de la nuit, dans le vertige de la vie.  ...Se taire dans mon exil silencieux.



2 commentaires:

  1. J'ai juste un truc à faire: Crier tout doucement pour rompre l'ambiance sans faire trop de bruit. Tu as le droit de grogner maintenant contre un casseur de songe !

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    1. La douceur de tes pas feutrés ravivent mes mots... Le bruissement de tes murmures bruités effleurent les lignes de mes songes... Merci à cette belle âme qui t'abrite mon ami, elle réchauffe mon cœur ...
      Belle et agréable soirée!

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