25.7.16

Le Tombeau du Soleil



Ô Toi, vois mon visage... 
Ô Toi, sens mon visage... 
Et, lis ...

Une page blanche, non, une vie... Aussi longtemps, elle s'appropriera mon corps, et je la porterai, comme une survivante, une passagère rescapée... comme une permissionnaire parmi les vivants. Le souvenir de ses bruits, l'ombre de son dos, le feu de son visage, le souffle de son désir, la douceur de ses gestes. Et dans l'égarement, je garderai sa tendresse comme une brise écrasante dans les profondeurs du temps, dans le labyrinthe de la vie, dans le précipice vertigineux des abysses. Un flot mouvant énigmatique point à travers ce délicat vitrail de mes yeux qui inondent de soleil, où des rayons volent comme un flambeau d'étincelles, une poussière d'étoiles couvrant l'arc d'argent. Je songe à l'aurore de mes plus jeunes années, au temps qui m'avait fuit et encore à ce temps qui poursuit à me fuir, comme un temps ailé au vent. Ce fil papillonné aux jasmins odorants, cet étalon impétueux qui abonde de passions et engourdit l'espace. 

Je contemple l'astre laiteux mourant sur l'horizon, la nuit était généreuse, et le cœur éperdu et las. A chaque élan m'avait enivré,  m'avait fait jouir et m'avait fait pressentir au bonheur. Pareil à ces moments d'été dans la douceur de la nuit, j'entends trembler le souffle de l'azur. De ma chambre éclairée par des bougies aux senteurs de lavande, miroitées par la chaleur des reflets enfumés qui quittent et fuient l'enfer de la flamme. Un corps tendre, charmant s'étend sur le bord du lit, une terre vivace qui aime toucher, goûter à la vie et se pâmer d'amour. Et le plaisir bourdonne comme une jeune abeille. De tous les parfums de passion qu'on respire, s'écoule la brise de l'amour qu'on avale comme un petit brasier de friandises.  

Tout me porte à l'image des lieux où je n'avais jamais navigué, à mes premiers matins, à mes rêves enfantins, à l'aube de mon cœur étourdi, amoureux, dans un univers où tout chancelle et s'évapore. Vivre dans un monde invisible. Ivre de couleurs. Un visage soleilleux qui venait d'éclore. Peut-être que tout passe ou tout s'efface avec le temps... On se détache des souvenirs comme les voyageurs qui se bousculent à l'arrivée des trains. Épuisé d'une vie, on rattrape ce temps perdu à trop rêver, à cette petite mort si loin en attente. Aurait-elle assez d'amour, de mots, de rires, pour nous noyer dans ses histoires ou tout simplement assez de temps, pour nous les raconter sans se presser ? Difficile de s'en convaincre, tout est si fragile et rien n'est vrai.

Désormais, le ciel et la terre m'ont condamné... Je suis un équipage solitaire... La mer m'hurlait, le vent me menaçait, les vagues me suppliaient dans un appel de détresse, mais, le jeu cruel me dominait encore. L'ouragan du ressac était assourdissant, contre eux, mais aussi, contre moi. Une renaissance dans une sorte d'étrangeté de morts, dans une masse nuée de l'existence, dans un caprice des événements.

J'étais dans une bulle des miraculées... Je me portais garante de mon propre corps, de mon état de femme, de ma respiration à défendre, de mon cœur à reconnaître... Le vertige de ma féminité s'étend comme une braise froide, me venge et me fait souffrir. Une déchirure sur mes lèvres encore béantes. J'étais hanté par mon visage, me regarde, me perce avidement comme une fièvre ardente qui asséchée, bois à même ma cruche et augmente mon mal. En légèreté de toile épaisse, mon visage en otage me vis, me garde longtemps prisonnière, me surveille en connaisseur fougueux, en séducteur généreux, dans le goût de ses folies d'aimer, dans un âge où l'expérience n'a plus besoin de conseils, juste une volonté d'épouser les sentiments et à la simplicité de la nature. 

J'étais les secrets du modèle de l'assurance, la promesse de la confiance, le caractère de la bravoure. Je subsistais à la sympathie du style sobre et nu, et en même temps, j'étais le mauvais dessin de mon absence, la mauvaise réplique qui ne pouvait distinguer ni les formes, ni les visages, ni les trahisons. Mon ouvrage de la ligne pure n'était qu'une poupée chiffonnée, frivole, une longue frise de personnages masqués, sculptés au gré des circonstances. J'offrais un contraste choquant de la réalité,  des figures grossièrement aquarellées, j'exécutais un jeu de cartes, j'étais une révolutionnaire de mon propre jeu. J'offensais les rois, les dames, et les valets dans un énorme chapeau noir du ridicule frétillant. Et je m'évertuais à l'art de la pantomime en substituant la symbolique des trèfles, des carreaux, des piques et des cœurs à ces misérables égrillards ou à ces libertins de coulisse. 

En une nuit, je recouvre mon autre visage, celui que j'ai délaissé dans la maison de mon enfance. Je reprends ma voix, je cherche mes lettres, mes livres, mes notes, mes écrits, mes photos et tout ce qui me relie à l'aube de ma petite enfance. De mon existence dans ce lieu et de mes voyages dans le temps. Quel était mon vœu ? Je ne m'en souviens plus... peut-être bien voyager, voyager ! Comme une épidémie en héritage... Entre ses murs j'attendais aussi l'amour... Sur le corps d'un puzzle, je déchiffrais dans un désordre un visage ombragé... Et de ma vie romantique. Où est passé mon enfance ? C'est fragile une enfance... pourtant elle semblait permanente... Une coupure, la perte et puis l'oubli... 
Je suis soudain si loin de tout... 





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